[Commentaire] Une mission non accomplie

« Fais vite mon enfant ! La Cité Blanche ! Il faut que tu reviennes avec le remède, il n´y a que peu de temps avant que les Esprits ne les prennent. »

« Oui Maître Logan, je serais de retour avant le Jour Flamboyant. »

Sur les routes glacées de l´Est, au-delà des monts et marais, à travers les plaines balayées par les vents et les forêts aux sentiers sinueux, une petite silhouette chevauchait inlassablement.

Depuis quelques temps un mal mystérieux avait envahi la région de Rhûn. Le Mal des Marais comme disaient les Hommes d´Esgaroth, une sorte de peste fiévreuse apportée par le mauvais vent du Sud.
Les malades sont pris d´une fièvre constante, les affaiblissant sans cesse. L´art des Anciens de la tribu ne suffisait plus. La fièvre persistait, et ceux qui sont sous son emprise maigrissaient à vue d´oeil. Bientôt ils n´auraient plus la force de se mouvoir, puis de se nourrir. Et les Esprits seront là pour les accueillir.

Peu à peu la neige disparut des chemins, et les champs remplacèrent les fourées sauvages. A bout de force, exténuée par les longues journées de course à traverse des landes sauvages, Shenda aperçoit enfin les hautes tours de Minas Tirith.

C´était une fin d´après-midi, le printemps était presque là et il faisait bon. En haut des murailles, les soldats observaient avec nonchalance le flot de peuple entrant et ressortant de l´énorme portail.

Hésitante un moment, Shenda posa pieds à terre. Elle s´approche d´un homme en noir, visiblement un marchand.

« Eh là toi, peux-tu me dire où ton chaman est ? Mon frère est malade. » Demanda-t-elle avec la voix la plus claire possible.
L´homme la dévisagea. « Il n´y a pas de chaman ici. » Répondit-il avec dédain en tournant le dos.
« Et puis, les gens comme vous ne sont pas les bienvenus. »

Dépitée, Shenda tenta sa chance vers l´intérieure de la Cité. Non loin d´une bâtisse carrée surmontée d´une pancarte d´or, un groupe d´adolescents bavardaient bruyamment.
Shenda s´approcha.
« Eh jeunots ! Vous savez où votre chaman est ? »

Les jeunes gens l´observèrent de la tête au pied. Puis, par un accord tacite, explosèrent de rire. Le plus grand s´approcha et parla avec un sourire.

« Dis donc la petite sauvage toute sale, d´où tu sors ? Du derrière d´un Troll ? Tu sais que les Orcs morts sentent moins forts ? »

A ces mots les autres rirent de plus belle et commencèrent à la huer.

Shenda recula, et sentit la colère monter en elle. Se retenant, elle baissa la tête et s´apprêtait de partir vers une autre portion des innombrables murailles.
Mais ce qu´elle n´avait pas prévu, c´est une pierre qui lui atterrit sur l´épaule. Une douleur aigue se répandit.

Les jeunes gens ne se contentaient pas de se moquer d´elle, puisqu´ils lui lançaient désormais des caillots avec grands cris et sifflements aigus. Des passants s´agglutinaient autour de la scène comme s´il s´agissait d´un vulgaire spectacle de marionnette.

La colère monta, et la fatigue extrême lui donna des ailes. Dans un accès de rage, Shenda s´élança dans la bande de jeunes, tandis qu´un couteau taillada le poignet d´un garçon avant d´être placé sous sa gorge. La foule autour fut brusquement prise de panique et les gens poussèrent des cris.

La voix tremblante de colère, Shenda s´exclama.

« Où votre chaman est! Où votre soigneur est ! Où il est ! »

Pas de réponse. Les gens se tenaient crispés et agités autour du spectacle tandis que le garçon commençait à gémir de sa blessure.

Un mouvement d´air derrière elle. Machinalement Shenda tenta une esquive, mais trop tard. Une hache sortie de nulle part se planta dans son dos. Elle lâcha prise et s´écroula en avant.

Sa vue s´assombrit. Dans une dernière lueur de conscience, elle vit la silhouette d´un Nain, sortit de la foule. Un instant après le poids de ses lourdes bottes cloutées était sur son dos.