Auteur : David Wyatt
 

Thrond le Nain

Démarré par Ruster , Dunadan, 2012-01-04, 19:14:35

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Ruster , Dunadan

Troisième Âge – An 3019

   Une pipe de noyer nichée au creux d'un poing servant de perchoir à son vaste visage à l'air pensif, son regard plongé dans les flammes d'une modeste lampe à l'huile en argile, la dextre molestant sans malice la plume trempée à outrance, le nain passait en revue les trois dernières années.

   Nous quittâmes Bree en quête des montagnes perdues veillées par Barazinbar. À notre tête, une poignée d'orgueilleux, fiers des richesses qui étaient leurs ou à venir. Leur renommée n'était plus à faire, mais tous se doutaient bien qu'elle émanait probablement plus de l'or et du verbe que de l'art guerrier dont les conteurs les louaient.

   L'entreprise trouva lieu au sud de la branche dominée par le mont Gram, bien assez près – sinon trop – de l'endroit notoire pour avoir à la fois engendré et mis à l'exil le peuple de Durin.
Comptant moins d'une trentaine de membres, en négligeant les chefs – ils ne nous seraient d'aucun secours le moment venue, de toute façon – la compagnie ressemblait plus qu'autrement aux derniers soubresauts opportunistes des restes d'unicité d'un peuple en déclin, dont l'ancienne puissance reposait sur des choses aussi volatiles que la fidèle coopération d'ouvriers.

   Le calvaire qui fut nôtre dura trois longues années, pour les plus chanceux qui ne périrent pas bêtement au creux d'un gouffre ou décapité par mégarde sous la hache d'un allié. Comble de l'insulte qui s'ajoutait à l'injure, notre solde devint incertaine et on nous demanda de travailler pour rien, promettant des parts de la découverte.

   Les plus avisés quittèrent derechef et nous regagnâmes Bree, qui était alors en proie à de violents combats. C'est en y sécurisant une auberge miteuse que nous nous méritâmes la nuit. Rester là semblant de mauvais augure, il fut convenu de rassembler autant de vivres que faire se put avant de quitter. L'idée était de se rendre à l'Erebor.


   Jamais la compagnie n'atteint Erebor, pas plus qu'elle ne franchit Mirkwood.


*     *     *

Quatrième Âge – An 101

   Afin de faire passer un convoi vers l'ouest par le nord des montagnes cernant les ruines de l'ancien royaume d'Angmar, on enrôla Thrond de force dans un contingent de nains d'armes, vu l'amenuisement de la population.

   Le groupe tomba dans un guet-apens et ceux qui ne purent s'enfuir furent occis, sans plus de cérémonie. Une tempête s'abattit sur les survivants. Leurs cris emplis de détresse résonnèrent tout le blizzard durant. La hardiesse de leur race les tint debout longtemps, assez pour qu'ils finissent par prendre la direction du nord, croyant que, à l'instinct, ils garderaient le cap vers l'ouest.

   Perdant foi, Thrond s'arrêta. S'ensuivi un effet boule-de-neige. Plus un n'avait l'intention de bouger. Plus qu'un, en fait; le chef, qui les maudit avant de disparaître dans les neiges éternelles où les bourrasques gagnaient en violence. Une longue attente fut écourtée par une dispute sonore. La pagaille sonna tant et si loin qu'un groupe de chasse les rejoint bientôt. C'étaient les Lossoths. Il s'en fallu de peu pour que la rencontre devienne escarmouche, étant donné les circonstances et les récents événements.

   Néanmoins, ceux-là furent à même de les envoyer dans la bonne direction et troquèrent volontiers quelques haches contre vivres et fourrures, ajoutant même une brassée de petit bois.

   Comme si une volonté l'animait, le vent se tut. Chacun de son côté, les groupes reprirent leur périple. Un froid mordant s'installait chaque nuit et chaque jour soufflait le vent. Au moment où ils arrivèrent sur le versant ouest du mont Gram, il s'était écoulé trois jours depuis que les nains manquèrent de victuailles. Connaisseur, Thrond les y guida et, au soir venu, du bouc à la broche cuisait sur le feu.

   Les panses et les sacoches bien pleines, le reste du voyage coulait de source : direction, le pays de Bree.



*     *     *

Quatrième Âge – An 140

   Assis auprès d'un feu de camp, son chien reposant contre lui, le nain jouait du couteau sur un bâtonnet. Sa déroute l'avait ramené au pays de Bree, où il s'était mis à chasser depuis l'accroissement des clans orques sous le mont de l'Éveil.

   Les attaques contre la cité naine des Ered Mithrin avaient fini de le convaincre : il n'était plus bon d'être nain en ces temps.

   Rentrant machinalement au bercail avec le fruit de son travail, force était de constater qu'une routine s'était installée. Une routine plutôt féroce, d'ailleurs, selon le parquet, qui ne comptait plus en allers, mais en années. La même pipe amassait désormais mousses et poussière et les fréquents passages chez l'apothicaire étaient maintenant motivés par une forte consommation de thé.

   On disait de cet âge qu'il était le début de l'ère des hommes. Thrond l'avait compris.




Un œil observateur aura noté le trou d'un peu plus d'un siècle laissé au cœur de l'histoire. C'est que Thrond a vécu un siècle dans un trou et, bien qu'il y ait là quelque anecdote intéressante lors de son apprentissage du forage et de la maçonnerie, il n'y a rien de pertinent à ajouter en cette période passée aux Monts Gris.
THROND LE NAIN
[Histoire de Thrond]
HALVARD
[Histoire à venir]
SKAELTHOR
[Histoire de Skaelthor]
MHURG L'ORQUE MARAUDEUR
[Histoire de Mhurg]
Anciennement, Ruster Fëathalion, Thoryll des Monts Bleus, Garok le Troll, Gaspard le Corsaire et Grush le Maraudeur.

Ruster , Dunadan

Troisième Âge – An 3019

   Il n'y avait pas de passage sûr dans les Hithaeglir. Les plus accoutumés pouvaient espérer s'en tirer d'une traite, sans rebrousser chemin, mais aucun n'était de ceux-là, parmi la poignée de nains en partance d'un petit camp aux contreforts du versant occidental. Chaque col était un potentiel détour et les premiers choix déterminaient le cours du périple de tout intrus.

   Faute de mieux, le hasard fit que cette traversée, qui eut pu ne durer que quelques jours l'eurent-ils entamé un peu plus au sud, leur coûta une longue et douloureuse semaine. Ils partirent à l'aube d'un jour où le temps fut le plus clément et s'engagèrent à la mi-journée dans le premier épaulement. Le dédale qui se présentait à eux les mena dès lors dans une suite de trois culs-de-sac avant qu'ils ne parviennent à l'un des rares chemins de traverse longtemps après le coucher du soleil. Ils campèrent au cinquième des derniers angles qu'ils atteignirent, espérant trouver mieux en guise d'abri qu'un coude dans le sentier. Des nains présents, nul ne jouait de noble instrument. De toute façon, l'endroit ne s'y prêtait pas. Ceux qui en avaient se risquèrent à fumer de leur pipe. Quelques feux furent allumés. Serrés contre leurs corselets par leurs ceintures, d'épaisses couvertures de laine aux couleurs terre les gardaient d'un froid plus mordant qu'ils n'eurent pu endurer autrement. La première nuit se passa sans alerte.

   Puis la seconde, ainsi que la tierce, tant étant que tout le quatrième jour, plus un n'avait le prudent respect de la montagne. Ils payèrent chèrement leur audace et, le soir venu, deux des leurs manquaient et quatre encore étaient blessés. Un bivouac fut érigé cette nuit-là. Ce fut leur premier bon coup et il se révéla salutaire, puisque tels des mouches dans le miel, les orques leur tombèrent dessus sans relâche dès le premier tour de garde. Au lever du jour, les assauts cessèrent. Tous eurent porté à leur encontre quelque coup tel qu'il eut été mortel à un homme normal et bien portant. Les plus habiles et certains par chance s'en tirèrent sans grande peine, mais les moins aguerris et les plus loyaux d'entre eux furent mis à mal.

   Allant au rythme du plus lent, le groupe avança peu à partir de là et le lacis continuant de faire des siennes n'était pas pour aider.

   Ils finirent par tomber sur une grotte peu profonde où ils laissèrent passer trois nuits, espérant à la fois donner toutes leurs chances à ceux qui pouvaient récupérer et se débarrasser de ceux qui ne pourraient aller plus loin, voire dévoyer leurs poursuivants.

   Dès les premières lueurs du septième jour, les survivants quittèrent à la marche forcée qui dura jusqu'à ce qu'au soir, ils laissèrent derrière eux les dernières collines du versant oriental pour longer une rivière qu'ils échouèrent à identifier.

   Soudain, du sud vint une clameur, l'écho tonitruant d'une force autrement plus grande que les groupes opportunistes désordonnés qui leur avaient causé tant de peine dans leur traversée. C'était un assaut de Dol Guldur sur les peuples de la Forêt Noire et, venant sur eux, une partie de tout le corps d'arme chargé d'en contourner la lisière occidentale. Les nains fuirent franc nord jusqu'à rencontrer, en trois jours de plus, le gué de la vieille route de la forêt. Craignant de l'emprunter par peur d'y être pris entre deux feux, le choix fut fait de se rendre plutôt dans la cité occidentale des Ered Mithrin.


   Ainsi, on la nomma la Bataille sous les arbres, dont le roi sylvestre sorti victorieux, et ce ne fut là que l'une des batailles à laquelle nous échappâmes alors.
THROND LE NAIN
[Histoire de Thrond]
HALVARD
[Histoire à venir]
SKAELTHOR
[Histoire de Skaelthor]
MHURG L'ORQUE MARAUDEUR
[Histoire de Mhurg]
Anciennement, Ruster Fëathalion, Thoryll des Monts Bleus, Garok le Troll, Gaspard le Corsaire et Grush le Maraudeur.