Auteur : John Howe
 

Complot...

Démarré par Elsie, 2010-05-04, 07:35:10

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Elsie

La silhouette blanche avait l'air d'un spectre, dans la ville endormie. La nuit était douce. Pourtant elle tremblait légèrement. Elle tentait de se raisonner comme elle pouvait : Nul ne pourrait remonter jusqu'à elle. Elle était masquée quand elle avait recruté les deux hommes. Et à l'époque, la fameuse Emma se baladait encore dans les rues sans se douter qu'elle périrait plus tard. La trahison de la femme chevalier avait fait un bruit que les autorités n'avaient pu contenir et "le blanc fantôme" haïssait les traîtres.  Aussi ne voyait-elle aucune objection à ce qu'on lui colle un crime de plus sur le dos...
Mais c'était une personnalité qui haïssait également le désordre. Et un désordre, il y en avait un beau en plein milieu de sa vie. Il fallait absolument régler ça ! Qu'importe le moyen ! Après tout, il n'y avait pas que sa situation personnelle en jeu. C'était tout l'ordre social qui était menacé. Sans doute exagérait-elle un peu. Mais sans cette exagération, ses actes n'avaient plus de justification autre que purement personnelle. Et elle n'était pas assez forte pour affronter l'horreur de ce qu'elle était en train de faire. Légitimiste jusqu'à l'absurde. Légitimiste jusqu'au crime.
La silhouette essayait de se persuader que ce n'était pas vraiment un crime, justement. C'est ce que font les criminels. Rares sont ceux qui  commettent des crimes ou délit en les assumant réellement. La plupart se cherchent, et se trouvent, des justifications "morales". Cela va de la plus indiscutable "C'est parce que j'avais faim que j'ai volé ce pain", à la plus fantaisiste "C'est parce qu'il m'a regardé de travers que j'ai poignardé mon voisin à coup de tournevis. Non, je vous assure ! Il avait vraiment un regard mauvais ! »
Ainsi calmait-elle sa conscience. Comme elle le pouvait. C'était parce que cette sale gamine transgressaient des règles séculaires qu'elle devait disparaître. Oui elle devait disparaître. Et tant pis si une part d'elle-même devait à jamais se regarder avec horreur dans son miroir.

Le pigeon arriva enfin. La silhouette frissonna. Elle détacha le fin parchemin tout en caressant l'oiseau. Elle se surprit à espérer un échec.

Hélas.  Juste trois mots : « Nous l'avons. ». Elle jeta le parchemin dans le brasero, tout près. Il fallait répondre. Elle rentra, traça les mots en majuscules. Même s'« Ils » avaient pour consigne de détruire les parchemins, il valait mieux être prudente et déguiser son écriture. Puis, quand le pigeon reviendrait, il faudrait aussi tuer cette pauvre petite bête. Cela la chagrinait profondément. Comme si le meurtre futur du messager à plumes scellait l'infamie de la chose.

Mais avant il fallait qu'il transmette l'ordre.
« Allez y. »
Deux mots. Ni le mot « mort », ni le mot « tuer ». Un chef d'œuvre d'ellipse. A la fois précaution et refus inconscient de réclamer la mort. Et pourtant c'était ce qu'elle faisait : elle  réclamait une tête...

Elle était parvenue au seuil des enfers. Elle entamait la descente.
"Je ne suis pas vraiment libre si je prive quelqu'un d'autre de sa liberté. L'opprimé et l'oppresseur sont tous deux dépossédés de leur humanité."
Nelson Mandela. Un long chemin vers la liberté
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Eïlenel, fille de Yoni et  de Laegnaur Fizur
145 ans passés à faire suer son monde ^^...
Miya " Une lionne qui se met au service du cygne, ça l'fait ?"
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http://enpointilles.blogspot.com/

Elsie


Aux douleurs de ses membres entravés, la jeune écuyère avait su avoir été inconsciente plusieurs heures avant de revenir à elle.  La cabane était mal tenue. Elle ne pouvait rien en dire de plus. Des deux hommes qui lui servaient de geôliers, un peu plus, mais guère. L'un était jeune, prenait soin de lui, mais était manifestement le plus dangereux des deux. Il avait dans le regard quelque chose de malsain qui la faisait frissonner malgré elle. L'autre avait la quarantaine. Il lui manquait quelques dents et son hygiène laissait à désirer. Mais il dégageait une forte aura de calme. Il était manifestement gêné à son encontre sans qu'elle sache pourquoi.

« Mignonne, n'empêche. Ce serait du gâchis de laisser ça se perdre...
- Non.
- Nom d'un chien, mais puisqu'on doit la tuer, de toute façon...
- Ta gueule ! La mort doit être propre. Tente un seul truc de ce genre et je te fais un deuxième sourire sous le premier. »
Un assassin à principe. Il parait que ça existe. Miya l'eut probablement remercié n'était le projet qu'il avait de l'éliminer. Mais au fait, pourquoi était-elle encore en vie ?

« Pourquoi on doit attendre ce foutu ordre ? Elle ne pouvait pas dire direct « Vous l'attrapez et vous la zigouillez ? ». Parce qu'on prend des risques à la garder, là... »

Tiens, ! Le jeune fou aussi se posait la question...

«  Si le boulot te convenait pas, fallait pas l'accepter. Elle a probablement ses raisons. Si on la tue alors qu'elle avait d'autres projets, on se la met à dos et on pourrait le payer cher. Alors si j'ai un conseil à te donner, petit, c'est que dans ce métier, tu ne discute jamais les ordres. »

Clair, net, sans bavure. Le jeune, l'écuyère pouvait espérer le mener par le bout du nez. Mais pas ce vieux renard.

Mais parfois, ce qui fait la différence entre la vie et la mort, c'est un coup de chance, un pur coup de chance. Et la chance fit que le pigeon  n'arriverait jamais. Les faucons pélerins ont la mauvaise habitude d'en être friands. Il y en eut un qui réussit à se repaître de la chair tendre de la petite bête...

"Je ne suis pas vraiment libre si je prive quelqu'un d'autre de sa liberté. L'opprimé et l'oppresseur sont tous deux dépossédés de leur humanité."
Nelson Mandela. Un long chemin vers la liberté
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Pierrot

La nouvelle parvint à Eïlenel et Silmirë que Miya avait été enlevée par lettre non signée. Mais sans indications supplémentaires.

Belgarion

Silmírë ne savait trop que faire... Elle partit pour Linhir.
MJ Belgarion
Chroniqueur et correcteur des Chroniques de l'Imaginaire, Co-administrateur du Coin des Lecteurs, Membre de l'Association Tolkiendil

Elsie

Donc, le pigeon n'arrivait pas. C'était à la fois une bonne et une mauvaise chose pour Miya. Une bonne parce que celà lui octroyait un sursis. Une mauvaise parce que la nervosité de ses geôliers croissait. C'était très clair sur le jeune fou. Moins sur le vieux renard. La jeune fille priait pour que ce dernier sache faire preuve de suffisamment  d'autorité. Il était manifeste qu'ils n'étaient ni des parents,ni des amis. Peut être avaient ils déjà "travaillé" ensembles, mais rien n'était vraiment sûr.  Elle se contentait d'éviter toute provocation et se faisait petite.

Au bout de deux jours, le vieux renard décida qu'il fallait bouger. Elle sut pourquoi quand, à la nuit tombée, le signal du départ fut donné. Les lueurs, au loin, lui révélèrent une ville à moins d'une lieue. Une cache aussi proche ne pouvait qu'être provisoire. Ils furent particulièrement minutieux quand à la qualité de ses liens, si bien que s'en défaire pour prendre la tangeante n'était pas une possibilité viable. Et le Vieux arborait une lourde arbalète.

Elle avait fini par comprendre que c'était son âge qui mettait le vieux mal à l'aise. Il n'avait probablement jamais eu encore à envisager d'éliminer de personne aussi jeune. Peut être avait il des enfants à peine plus âgés. Mais fallait il pour autant compter sur une certaine compassion ? Rien n'était moins sûr...

Si une évasion n'était pas envisageable sur le chemin, peut être le serait-elle dans cette nature ou ils s'enfonçaient. Après tout, la nature sauvage, c'était son élément. Il fallait attendre...
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Elsie

#5
Le refuge de montagne qui les accueillait n'était pas plus riant que leur précédente cache. Quelques pierres grossièrement montées que recouvraient tuiles et ardoises de récupération, tout au plus. Le sol était en terre battue. Il n'y avait en tout et pour tout qu'une couche, comme taillée dans un même roc, qu'une maigre paillasse échouait à rendre confortable.

Il avait échu à l'otage. Pas sûr qu'elle gagnait à dormir là-dessus plutôt qu'à même le sol. Deux jours avaient passé depuis leur arrivée. Le silence était ponctué des querelles entre les deux hommes. La jeune fille ne parlait pas, observant l'évolution de leur situation. Son instinct la guidait. Tel un fauve à l'affût, elle attendait le moment propice. Aussi réfrénait-elle les sauvages envies de meurtre qui lui venaient quand le jeune fou osait laisser couler sur elle un regard trouble. Celui là, elle le ferait payer ses pensées.

Elle ne s'attardait guère sur l'identité de la commanditaire. Emma avait-elle su, par delà le tombeau, préparer quelque vengeance contre celle qui devait la tuer ? C'était le plus probable. Mais elle n'en saurait pas plus ici. Et elle savait qu'elle ne pouvait compter que sur elle-même.

Il fallait s'évader. Mais ils étaient deux et elle était presque toujours entravée.

Etrangement, c'est ce qu'elle craignait le plus qui allait lui en donner l'occasion. Il fallait bien que le vieux aille parfois pisser. Le jeune décida d'en profiter pour tenter ce qu'il avait en tête depuis le début.

Terreur, douleur. La jeune fille se défends comme elle peut, envoie plusieurs  fois valser son agresseur par ses ruades, mord ce qu'elle peut mordre à lui en arracher un bout de chair et le paye d'un formidable coup de poing. Jusqu'à ce qu'une poigne solide vienne attraper le pervers et l'envoie rouler au fond de la cabane. Puis lui parvient les bruits sourds d'un homme au sol qu'on roue de coups de pieds. Et le vieux vient replacer la gamine sans ménagement comme elle était sur sa couche.

Le cri de Miya qui le prévient juste à temps.
Le jeune fou a sorti le couteau, mais le vieux est agile, l'évite, saisit le bras de son adversaire et lui enfonce profondément la lame dans le flanc. Deux tressaillements, le son horrible d'un raclement d'os. Et c'est tout.

Il s'adosse au mur, couvert de sang. L'espace d'un instant Miya est saisi par cette idée apparemment futile : il dut être très beau, jeune. Il y a même des restes d'éducation dans la manière de se tenir du vieux renard. Il lui jette un regard. Elle le soutient sans dire un mot. Elle attend qu'il ait repris son souffle et prenne conscience de la situation.

Entre eux deux, qui doit le plus à l'autre ?

«  Vous êtes dans la merde.
- Ta gueule. »

Elle laisse passer un moment.

«  Votre associés vous a trahi. Votre commanditaire est peut être mort ou, pire pour vous, sous les verrous. Ca se trouve, vous êtes peut être recherché dans tout le pays...
- Tu vas te la fermer oui !
- Sinon quoi ? Vous allez me tuer ?
- C'est pas exclu.
- Pourtant je suis votre seule chance de survie... »

Le vieux renard crache par terre.

« Toi, Poulette, tu veux négocier.
- On peut dire ça comme ça.
- Nan mais te fous pas de moi, je négociais déjà quand ta mère ne savait pas encore rouler du panier.
- Ancien soldat ?
- Qu'est ce que ça peut te foutre ? »

Ca lui faisait que c'était intéressant à savoir, mais Miya ne releva pas.

« Ecoutez, moi je me fous de votre vie. Je recherche de plus gros poissons que vous. En d'autres circonstances, j'aurais cherché et trouvé un moyen de vous faire la peau...
- Mais ... ? »
Il avait un air narquois qui le rendait étonnamment séduisant, et il le savait.

«  Mais ce qui vient de se passer... a tendance à me faire privilégier la diplomatie...
- Qu'est ce qui te dis que j'aurais envie de prendre le moindre risque pour ton joli p'tit c** ?
- C'est pourtant ce que vous venez de faire.
- Pas faux.
- Pourquoi ?
- Parce que ya des trucs, comme ça, que j'aime pas.»

Il reprit son air de paysan bourru. Inutile d'insister.

« Tu proposes quoi Poulette ?
- En théorie, je ne peux décemment laisser courir un assassin...
- Et en pratique ?
- En pratique, un informateur dans le milieu, ça doit être utile, non ?... »

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Elsie

#6
Elle marchait. Seule à cette heure de la nuit, dans les ruelles les moins bien fréquentées de Pélargir, c'eût pu être dangereux. Mais la jeune fille était armée et son pas n'était pas celui d'une proie hésitante. Elle ressemblait plutôt à un fauve en chasse.

Arrivée à un croisement, elle s'adossa à un coin. Miya l'ignorait, mais à cet instant précis, la danse de ses cheveux blonds sous la lune rappelait bigrement une autre tête blonde sous la même lune, près d'un siècle et demi plus tôt. Mais qui, hormis quelques elfes et Eïlenel, aurait pu se souvenir de l'or du chef de Laegnaur Fizur ?

La silhouette d'un homme ivre apparut bientôt et s'appuya, comme par hasard, sur le même mur, avant de s'écrouler par terre.  Péniblement, il roula sur le coté pour s'asseoir. Il n'était pas du tout saoul, en fait. Et le regard du vieux renard laissait percer sa rouerie habituelle. Mais Miya ne le regardait pas. Son odorat suffisait à avoir conscience de la supercherie.

Ils laissèrent le silence s'installer quelques minutes avant de commencer à chuchoter...

"Bon, qu'est ce que tu veux ?
- J'ai besoin de connaître tout ce qu'il y a à connaître sur le Seigneur Bran de Linhir.
- Mazette ! Rien que ça ?...
- Quelque chose me dit qu'on en parle beaucoup. Le type est probablement impopulaire et peut être un tantinet paranoïaque. Pour votre sécurité, je vous conseille de ne pas trop avoir l'air d'y toucher.
- D'accord, Poulette. Mais j'espère que tu payes bien....
- Vous serez TRES bien récompensé."

Puis, de manière a être entendue, cette fois :

"Vous avez de la chance que ce ne soit pas ma juridiction ! Clochard !"

Et elle s'en alla, apparemment outrée.
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