Auteur : Ted Nasmith
 

Ambitions

Démarré par Bragelonne, 2012-07-11, 09:53:28

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Bragelonne

Amadis n'était pas très porté sur la connaissance du monde extérieur, c'est-à-dire en fait sur tout ce qui était au-delà de la portée de son épée. Aussi sa géographie n'était-elle qu'une espèce de grande page blanche sur laquelle, des enthousiastes récits de son grand-père, ne survivait plus qu'une division tranchée entre "le Nord : pays de ceux qui ont gagné" et "le Sud : pays des autres". A ce qu'il comprenait, le Sud avait une forte tendance, depuis quelques siècles, à devenir du Nord. C'était déjà troublant.

Ce fut donc à la fois une sorte de soulagement et une surprenante découverte lorsqu'il entendit parler, par un marchand de chevaux en vadrouille, de l'"Est". Évidemment, on lui en avait probablement déjà parlé cent fois, mais c'était la première fois qu'il écoutait vraiment, ou plutôt que ce vague terme habituellement aussi inutile que l'Ouest (qui figurait sur un parchemin, minuscule addendum à sa géographie mentale, intitulé "réservé aux Elfes"), lui semblait pouvoir exister concrètement.

C'est qu'il avait à peine vingt-cinq ans le petit. Or on lui parlait de royaumes à l'Est, libres du Gondor, et qui étaient à des Hommes : qui sera surpris qu'Amadis désirât être roi à l'instant même ?



Quelques semaines plus tard, après force remerciements à celui qui lui avait sans le savoir davantage vendu un royaume plutôt qu'un cheval, Amadis passait ses soirées dans une auberge du Khand. Était-ce la bonne contrée ? Le meilleur moyen de le savoir était de faire boire les Anciens du cru, pour en apprendre davantage sur ce mot magique de royauté, et la façon dont on l'entendait par ici. Amadis avait tout son temps.

Bragelonne

Et avec ce sac d'or cela faisait cinquante mille pièces !

Le sac du capitaine engloutit la somme, tandis qu'un large sourire illuminait le visage de son propriétaire. Il ne posa aucune question. "On" lui demandait sa loyauté, "on" la rétribuait royalement (c'était presque le cas de le dire), et en plus on ne lui donnait aucune information compromettante : autant de choses qui lui convenaient parfaitement.

Pour Amadis, cela faisait un pion de plus sur l'échiquier, dans la catégorie Cavaliers. Pour ce qui était des Fous, ou plutôt le Conseil du roi comme on l'appelait, tout allait bien aussi : vieillards, hommes faits et boursouflés, jeunes imbéciles... On trouvait un peu de tout dans le palais royal, apparemment. Même un Roi d'ailleurs. Mais cela faisait un très long moment que le bon vieux Drogo ne se montrait plus. A vrai dire, il aurait pu être mort, personne n'en aurait rien su ! De quoi donner des idées à la tête la moins dotée d'imagination...

Le Fol récapitulait : une bonne partie de la Garde dans sa besace ; un Conseil inoffensif ; une ébauche de troupe rassemblant les éléments les plus habiles et les moins idiots qu'il avait pu trouver à l'Ouest, un archer vagabond et orgueilleux, un soldat ricaneur aussi vantard que prompt à tirer l'épée, un valet dévoué, un rebelle discret - pour n'en citer que quelques uns.

Restait une inconnue : ce vieux Xsungwë, qui pouvait être une épine dans le pied, ou un allié. Mais lui non plus on ne le voyait plus guère ! Amadis lui laissait encore quelque temps. Tout n'était pas prêt - on pouvait encore patienter quelques semaines.