Auteur : John Howe
 

Errances

Démarré par Intalir, 2012-04-24, 10:24:00

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Intalir

        Rilmë se rassit précautionneusement sur la chaise Son corps la faisait souffrir, mais rien de vraiment grave. Une vilaine entaille à la cuisse, un sale coup sur le crâne, qui ne lui laissait qu'une grosse bosse sous le cuir chevelu, et de multiples contusions. Elle avait eu de la chance encore une fois, car le bilan était plutôt lourd. Beaucoup de gardes d'Umbar avaient trouvé la mort dans les égouts, et pour elle et ses compagnons il s'en était fallu d'un cheveu.
        Ce qu'ils avaient trouvé sous la cité dépassait de loin ses inquiétudes. Des rats, une multitude de rats, de toutes tailles, grouillant. Et beaucoup d'autres, d'apparence quasi humanoïde. Et cette créature, qu'elle ne saurait décrire.

        Elle frissonna. Ferma le livre devant elle, le rangea à droite, et en prit un autre dans la pile de gauche.

        Ses recherches demeuraient pour le moment infructueuses. Il y avait bien peu de chances que l'un des manuscrits de la bibliothèque d'Umbar renferme le type d'information qu'il lui fallait, mais elle persévérait néanmoins. De toute façon vu la douleur qu'occasionnait le moindre mouvement, c'était l'une des meilleures choses à faire. Elle aurait sûrement plus de chances à Minas Tirith, mais elle ne se sentait pas tout à fait d'attaque pour faire le voyage dans l'immédiat. Dès que possible.

        Elle repensa au Sire Wellan, avec qui elle avait justement conversé quelques temps avant de reprendre la route d'Umbar.

        Ô triste ironie ! Lui qui avait pressenti une tempête à venir pour Dol Amroth, voilà qu'il en devenait l'instrument. Le Premier Chevalier, victime à son tour d'une malédiction... C'était terrible.
        Et Sunjata, maintenant Ecuyer du Cygne... Elle lui avait dit juste avant le départ de l'expédition qu'il était entre d'excellentes mains avec Sire Wellan. Qu'à lui seul il devait se fier.
        Ô tragique ironie du destin.

        L'espoir était mince, mais ne lui avait-on pas toujours appris à lutter contre la fatalité? De l'espoir en toutes circonstances. Elle avait grandi avec ce principe.

        Rilmë ruminait de sombres pensées et pourtant, elle n'étaient pas les seules à troubler son esprit. Certaines, que l'on aurait pu croire oubliées, refaisaient surface. Elle ne pouvait s'empêcher d'en concevoir une certaine inquiétude, ne sachant que trop bien ce qu'une telle faiblesse impliquait. Autrement dit, un choix restreint : en faire une force, ou s'en affranchir.
        Un goût amer de déjà vu.

        Elle reprit la lecture de la même phrase pour la sixième fois.
Rilmë, voyageuse

Intalir

#1
   Il y avait de quoi réfléchir ces derniers temps entre l'attaque de brigands, le passage (un peu controversé) des Cavaliers de la Marche à la Cité Blanche, et les diverses rencontres plus ou moins incongrues... La dernière n'avait d'ailleurs pas été des moindres.

   Rilmë traversait la forêt de l'Ithilien et arrivait en vue de la lisière quand elle avait aperçu un homme seul entre les arbres. Ses traits peu inhabituels révélaient clairement son origine de l'est, tout comme son accent quand il s'était adressé à elle. Il était fort rare de croiser un oriental en ces régions et, bien que sur ses gardes, Rilmë était curieuse, d'autant qu'il n'avait manifesté aucune agressivité. Le ton avait été relativement détendu, quoique prudent. Aussi avait-elle accepté quand il l'avait invitée à prendre place autour de son feu de camp. Il avait commencé à raconter son histoire, qu'elle désirait bien volontiers connaître car elle avait très peu voyagé vers l'est et ces contrées lui paraissaient bien mystérieuses.
   Mais peu de temps après qu'il ait commencé à parler Rilmë avait perçu un mouvement sur sa gauche, sous les arbres. Elle s'était levée en silence et approchée furtivement. Un homme se tenait là, derrière un rocher, à écouter ! Elle l'avait aussitôt saisi par le collet mais le bougre s'était débattu et une lutte acharnée avait suivi, entre coups de tête, coups de genoux, de pieds, et même une fois au sol il avait continué à se démener comme un forcené, mettant la force et la vivacité de Rilmë à très rude épreuve. Elle avait finalement pu le maintenir à terre, à moitié saucissonné dans sa propre cape. Lui le nez en sang, les yeux hagards, et elle échevelée, en nage, le souffle court, les membres douloureux. Bogatyr – puisque c'est son nom – était arrivé sur ces entrefaites et l'avait aidée à l'interroger, non sans sembler y prendre un certain plaisir.

   L'homme avait dit s'appeler Alreck, de Nardjam, et travailler pour un certain Merezad. Soit disant qu'il observait les faits et gestes de Bogatyr, et notamment ses rapports avec les gens de la Cité Blanche. Il avait été peu évident d'en tirer des informations mais quelques noms avaient pointé, parfois en réponse à des questions : Karim, Jynnea, Rasaek. Une chapelle obscure avait été évoquée. Rilmë avait conscience de la précaution nécessaire à l'interprétation de chacun de ces éléments, et n'avait rien pris pour argent comptant. Les sous-fifres sont toujours fourbes, et insuffisamment informés.
   De l'argent avait changé de mains, et l'homme avait été libre de partir. Ils avaient été cléments.
   Restait à ouvrir grands yeux et oreilles.

Rilmë, voyageuse