Auteur : John Howe
 

Concours d'écriture : La marche de l'Ent

Démarré par Etheme, 2004-09-18, 10:00:08

« précédent - suivant »

Etheme

-Le bruissement des feuilles.
Immense mer végétale.
Les cimes des arbres ployaient sous les bourrasques violentes, dessinant d'amples vagues venant s'échouer sur un asile
isolé. Îlot immobile, infime parcelle de terre ensoleillée. Au coeur de ce verger, se dressait un arbre noueux, couvert
de mousse et de lichen, un vieux cerisier dont les branches semblaient s'étirer pour recueillir le moindre rayon de soleil.
Une douce et lumineuse chaleur émanait de cette prairie autrefois cultivée. Seules traces de ce passé, par beaucoup oublié
persistaient quelques épis de blé, ça et là, disséminés, et quelques arbres fruitiers rescapés d'un lointain bouleversement.

Une voix profonde envahit soudain l'atmosphère, résonnant dans la forêt jouxtant le verger. Les notes s'assemblèrent
en une joyeuse chanson qui s'éleva insouciante et intense, telle un hymne à l'allégresse. Puis l'air se figea comme
sous l'effet d'un enchantement ; un homme apparut alors sifflotant et se dandinant. Sur sa tête était perché un vieux
chapeau surmonté d'une grande plume bleue. Son manteau, du même bleu intense rappelant le ciel d'un après midi d'été,
soulignait sa silhouette rebondie. Il marchait à vive allure malgré sa forte carrure et ses lourdes bottes jaunes.
Il s'approcha du vieux cerisier.
" Holà vieux cerisier.
- Le temps a passé, le vent a soufflé, et la terre se réveille,
- D'une nouvelle jeunesse la forêt a besoin.
- Libèrez vos racines, et allez goutter à l'eau claire des rivières
- Holà vieux cerisier, écoutez ma voix, écoutez le vieux Tom "
Tom s'approcha du cerisier, effleurant l'écorce de l'arbre avec son visage, et tout en le caressant, il entonna une
nouvelle chanson.
L'arbre frémit, Tom s'écarta légèrement tout en souriant, et écartant les bras il s'écria
" Hey tant de printemps ont passé !
- Réveillez-vous jolie dame, c'est Tom Bombadil qui vous le demande. "
Soudain le cerisier émit un son sourd, pareil à celui d'un cor, aux tonalités aussi différentes que puissantes. Puis les
frémissements discrets imputables au vent, se transformèrent en mouvements, légers, mais distincts, pareils à ceux d'un
être qui s'éveillerait après un long et profond sommeil.
Après quelques secondes, deux yeux s'ouvrirent, et se posèrent sur Tom. Deux grand yeux, d'un bleu luisant. Leur profondeur
et leur intensité semblaient pouvoir pénétrer la chair, et mettre à nu l'âme des hommes. Quiconque croisait ce regard
était subjugué et s'abandonnait à une contemplation fébrile, comme hypnotisé.
L'Ent se pencha vers Tom, et un sourire apparut sur ce qui ressemblait à un visage rugueux, ébauché d'une main hâtive.
Puis l'Ent se mit à parler :
" Merci à vous Iarwain Ben-Adar, que l'on nomme désormais Tom Bombadil.
- Merci de votre protection, et de ce petit coin de jardin.
- Cela fait bien longtemps que je ne l'ai plus entretenu ! dit-elle en regardant autour d'elle d'un air désolé.
Tom répondit en levant les bras :
- Holà, cela n'a plus d'importance maintenant, sentez-vous l'appel de la forêt ?
L'Ent-femelle posa de nouveau ses yeux sur Tom
- L'appel... ? Oui je le sens, cela fait quelques saisons que les voix des terres fertiles m'envahissent de leur écho.
Merci encore Tom Bombadil, il est possible que cela soit un adieu. "
Tom ne répondit pas, mais sourit invariablement en s'écartant. L'Ent-femelle souleva alors une partie de son tronc,
l'arrachant du sol, et fit un pas. Puis soulevant de larges mottes de terre dans lesquelles étaient longtemps
restées enfouies ses racines, fit un deuxième pas.
La panique s'empara alors d'une famille de lapin dont le terrier fut mit au grand jour par la marche de l'Ent.
Ils s'enfuirent dans une course folle jusqu'à l'autre bout du verger ou ils s'arrêtèrent pour contempler la scène.
L'Ent marchait, sans se retourner, s'éloignant de son ancien verger en direction du sud vers le pays de Dun.
La vieille forêt semblait s'écarter sur son passage en une ample révérence, et le soleil lui montrait la route,
traçant de ses rayons un sentier lumineux.
Une douce mélodie s'éleva derrière elle, d'abord mélancolique elle devint joyeuse, pleine de promesses. Elle s'éteignit
peu à peu au fur et à mesure de l'avancé de l'Ent. Ainsi Tom Bombadil lui faisait ses adieux. Lorsque la nuit enveloppa
la terre du milieu, elle était sortie de la forêt, et s'installa au bord d'un ruisseau, affluent de la rivière Baranduin.
Au loin un champ de blé s'étendait à perte de vue. Elle désirait ardemment admirer cette plantation à la lueur du jour,
ainsi elle passa la nuit au bord du ruisseau.
" Chouette des cerises
-  Je n'avais jamais remarqué ce cerisier ici auparavant !
-  Viens donc m'aider, au lieu de discuter, et n'oublie pas de prendre le panier.
Deux petits hommes aux pieds velus, s'approchaient du cerisier.
- On pourra faire des tartes !
- Chut ! Si le vieux Mayotte nous trouve à côté de son champ avec notre panier... Gare à nos oreilles"
Filli et Louhen étaient deux hobbits, de la famille des Touques des grandes fosses. Etant cousins ils s'étaient toujours
connus et passaient pour d'incorrigibles garnements. Toujours à l'affût de quelque aliment pouvant apaiser leur insatiable
appétit, ils s'étaient aventurés dans le champ du vieux Mayotte pour y "emprunter" quelques pommes de terre et carottes,
évidement indispensables à la préparation d'un bon potage. Leur forfait accompli, ils ne purent résister à la vue
de cerises bien rouges et appétissantes. Filli aida Louhen à grimper sur l'arbre, celui-ci s'empressa de se hisser à bonne
hauteur, laissant Filli au sol.
- "Hey ! Tu ne vas pas me laisser au sol !!! S'écria Filli
- Tu es trop jeune pour grimper aux arbres, répondit Louhen qui déjà, mangeait goulûment les cerises, ne laissant
à Filli que celles qui tombaient.
- Mais je n'ai que deux ans de moins que toi, laisse-moi monter ! Si tu ne me laisses pas monter, je vais voir l'ancien
pour lui dire que sa réserve de champignons, c'est toi qui l'as mangée, et non sa chèvre !
Louhen s'arrêta de manger.
- Tu ne vas pas faire ça ! S'écria t-il.
- Bien sur que si, renchérit Filli, alors arrête de tout manger et remplit ce panier, dit-il en lui montrant un panier
à provisions regorgeant déjà de carottes et de pommes de terre.
Louhen à contre coeur commença à descendre de l'arbre pour aller chercher le panier quand soudain l'espace d'une seconde,
un bruit sourd retentit dans le petit vallon. Filli et Louhen se figèrent.
- Tu as entendu dit Filli, on dirait que ce bruit vient du cerisier.
D'un air perplexe il posa son oreille contre le tronc, pendant que Louhen scrutait les alentours.
Au moment ou Filli se redressa pour exprimer son incompréhension, il entendit un énorme PLOUF !
Louhen était descendu de l'arbre plus vite qu'il ne l'aurait voulu. Il était assis dans le ruisseau, l'eau jusqu'à
sa poitrine, son manteau retourné sur sa tête, se débattant pour le retirer. A cette vue si comique, Filli éclata de rire,
il du s'appuyer contre le cerisier pour ne pas perdre l'équilibre, tant il était secoué par ce rire irrépressible. Louhen
après avoir remis son manteau à sa place, se sentit partagé entre sa colère de voir son cousin s'esclaffer ainsi,
et son incompréhension. Puis il s'écria en se relevant :
"La branche s'est dérobée sous mes pieds !!!
Mais Filli ne pouvait répondre tant il riait, et son rire se propageait aux alentours accentuant la colère de Louhen.
- Arrête de rire, ce n'est pas normal, cet arbre est étrange, dit-il grognon tout en se séchant sur la rive.
Filli essuya ses yeux humides de larmes, puis tentant de contenir son rire déclara :
- Mets-toi au soleil, tu sécheras plus vite, mais tu sais dit-il, si tu voulais pêcher, je t'aurais volontiers prêté
ma canne à pêche..... C'est plus facile qu'à la main ! "
Filli repartit dans un grand fou rire, toujours appuyé contre l'arbre, pendant que Louhen bougonnant s'éloignait pour
enlever son manteau, et le faire sécher au soleil.
Soudain le rire de Filli se transforma en un cri, qui s'acheva par un PLOUF !!!
Louhen se retourna brusquement et vit son cousin à genoux au milieu du ruisseau, la tête sous l'eau. Seul son postérieur
faisait surface ! Filli se releva prestement et les deux Hobbits se regardèrent interloqués, puis leurs regards
se portèrent simultanément sur le cerisier dont les branches avaient manifestement changé de position.
Leur surprise fut de courte durée car derrière eux, au loin, approchaient des aboiements, ainsi que les cris d'un vieux
Hobbit mécontent. Ensemble, Filli et Louhen sursautèrent, oubliant l'arbre et leur mésaventure, ils s'écrièrent :
- " Le vieux Mayotte "
Puis d'un même élan, ils s'enfuirent, trempés sans hésiter, car le père Mayotte et son chien approchaient rapidement.
Le vieux Hobbit arriva précédé de son chien. Il paraissait usé par des décennies de labeur dans les champs. Il était vêtu
d'un vieux pantalon marron et d'une chemise abîmée, autrefois grise.
- "Créfieu, v'la quelque chose d'extraordinaire, j'connais aucun voyou qui s'rait capable de m'charparder mes provisions
et me les laisser au bord du ruisseau.
En effet dans leur fuite Filli et Louhen avaient oublié leur panier à provisions, celui-ci s'était renversé, et les légumes
s'étaient éparpillés sur le sol. S'approchant pour récupérer le panier, il se rendit compte de la présence du cerisier.
- Créfieu, qu'est ce donc cette bizarrerie, j'savais point que j'avais un cerisier là !
Il récupéra le panier et ses provisions pendant que son chien grognait à une distance plus que raisonnable de l'arbre.
Puis quand il eut fini, il tapota l'arbre en souriant :
- Créfieu j'vais r'venir avec une échelle, et je vais faire une tarte !! "
Puis il repartit chercher une échelle suivi de son chien. Quand tout fut redevenu silencieux, l'Ent esquissa un sourire,
et se remit en route avant que le père Mayotte ne soit revenu avec son échelle.
Il lui sembla plus prudent de se faire discrete sous le couvert des arbres, ainsi elle prit la direction du chemin vert,
et continua à descendre vers le sud.
Marchant au travers des arbres, elle se souvenait : des années de colère et de flammes, des orques, de ses champs brûlés,
ravagés, de ses soeurs tentant de fuir devant ce déferlement de haine et de destruction. Alors Tom Bonbadil,
nommé Iarwain Ben-Adar pour elle et les Elfes, l'avait guidé jusqu'à cette petite clairière et l'avait protégée,
préservée de la vague de feu qui avait consumé son passé. Elle avancait pensive, à la fois hantée par les souvenirs obscurs
d'un passé gravé dans son écorce, et transportée par une joie nouvelle, la joie de renouer avec l'existence, qui lui était
si chère autrefois. Elle avait envie de revoir les Ents mâles. Elle savait que la route serait longue mais c'est en toute
confiance qu'elle se laissait guider par le murmure des arbres, vers une autre contrée, vers une autre vie.

Etheme le rohir


PS : "Le père Mayotte" ici présent, n'a pour moi aucun lien avec "Le pére Magotte" du SDA, je ne me suis rendu compte de la possible confusion que dernièrement.  :)


MERCI   :roule: