A Estelglin

[Elsie]

Dans la botte de carottes que lui avait remis presque de force une marchande au patois quasi incompréhensible, il y avait, à la grande surprise d'Estelglin, une lettre pour lui. L'écriture était soignée. Le papier simple, de bonne facture, mais sans fioritures.

Messire,

Pour le moment je crains qu'il ne faille plus trop compter sur les lettres de Miya. Si sa situation s'améliore sensiblement, elle va avoir fort à faire. C'est pourquoi je me dévoue pour vous mettre au courant de tout ce que vous aurez besoin de savoir.

Je commence par la bonne nouvelle : Miya a pu obtenir un rendez vous avec un magistrat honnête de la cité blanche afin de lui exposer son cas et le convaincre de l'aider. Elle va pouvoir s'y rendre sans être arrêtée d'office. Il est extrêmement important que vous n'ayez pas l'air d'être au courant de celà.

J’en viens aux mauvaises nouvelles par ce biais. Miya a du, dans sa situation, faire confiance à un homme. Confiance limitée, mais le choix était également limité. Il a apparemment été celui qui a convaincu le magistrat de la recevoir. Si la méfiance doit rester mère de sureté dans la manière dont nous devons traiter ses propos, nous ne pouvons pas non plus les ignorer, car cet homme, un certain Adunaru, dit avoir identifié au moins deux des personnes infiltrées qui ont piégé Miya. Et nous devons admettre que dans l’état de nos connaissances, ses propos collent avec les faits et les présomptions que Miya elle-même avait.

La première est uncertain Filip qui exerce le métier de soldat dans Minas la blanche. C’est lui qui a enfermé Miya. C’est aussi lui qui a interdit aux recrues de parler de l’homme qui a brûlé vif dans les cellules de la garde. C’est encore lui qui a refusé que Miya examine les corps des hommes et femmes qui ont tenté une attaque sur Minas Tirith. Selon Adunaru, drogué, il aurait donné un nom et des précisions sur le plan de nos ennemis.

C’est là que j’en viens à la plus mauvaise nouvelle pour vous. Car il semble, mes pauvres enfants, que vous et Miya n'ayiez été que des pions au sein d’une conspiration plus vaste et que même l’enquête de Miya n’ait été qu’une vaste manipulation pour la mettre « hors jeu ». On s’est servi de votre jeunesse, de vos espoirs et surtout, excusez moi d’avance pour la formule, de votre naïveté. Car le nom donné par ce garde est celui de Dame Emma. Et malheureusement, il existe un faisceau de présomptions non négligeable. 

Elle a notamment donné à Miya un document qui n’a rien à faire  entre les mains d’une écuyère, et qui même entre les mains d’un jeune adoubé, serait énigmatique : un papier de conscription signé de la main du roi. Miya le pense authentique.  J’ai conseillé à Miya de ne pas se servir de ce qu’il me semble être une preuve fabriquée contre elle.
D’ailleurs toute la mission de Miya est illogique. Il me parait complètement incohérent d’envoyer une novice en mission secrète, de lui conseiller un compagnon de route dont l’honnêteté reste à prouver (le fameux Jarek), de lui mettre entre les mains un papier d’une telle importance, et de lui enjoindre de s’entourer de gens disparate mais de confiance alors que la petite n’a pas dix sept ans et n’est pas censée connaitre assez de monde pour cela. Il est également incohérent de ne lui donner aucune information autres que celles qu’elle connait déjà. Miya a eu raison sans le savoir d’avoir pressenti dès le départ que quelqu’un voulait qu’elle échoue. Elle ne se trompait que sur les raisons du quelqu’un.

Je sais que vous devez vous sentir inutile.  Il est pourtant préférable que vous soyez prudent. Je ne suis pas habilitée à vous donner d’ordre, mais je serais soulagée, et Miya le serait aussi, si vous daigniez accepter le conseil d’une vieille loutre qui a beaucoup nagé dans des eaux pas toujours claires : Ne bougez que si vous êtes sûr de ne pas vous faire prendre Je dois aussi vous prévenir que, pour la première fois de votre vie, peut être, il va vous falloir mettre de coté quelques uns de vos principes car les gens qui ont essayé de faire pendre Miya n'ont pas votre droiture et leurs buts sont effroyables. Ils ne veulent rien tant que planifier une attaque simultanée sur Umbar, Dol Amroth et Minas Tirith. Une attaque de l’intérieur, grâce à des caches situées dans les villes elles mêmes…

Vous connaissez maintenant les enjeux. Vous savez pourquoi on a voulu vous éloigner, vous et Miya. Je vous enjoins encore à la prudence, mais aussi à faire marcher vos neurones et trouver le moyens d’agir le plus efficacement possible avec le moins de risques possibles. Nous sommes encore trop peu nombreux et certains de ceux qui vous aident dans l’ombre ne sont pas des combattants. Nous ne pouvons raisonnablement perdre personne.

Respectueusement,
Eïlenel Aoussatih, fille de Yoni et de Laegnaur Fizur
Gardienne.

[Baradon]

Estelglin reçut la missive envoyée de bien étrange façon. Décidément, la famille de Miya réservait bien des surprises, mais cela lui importait guère en ce moment précis. Bien que la colère lui étreigne les entrailles, il dut se ranger à l'avis de la vieille femme. Il se retrouvait impuissant, devant assister au jeu qui se déroulait sous yeux en spectateur. Au mieux pourrait-il intervenir en dernier secours, mais cet espoir semblait bien fragile.

Dame Emma, une traître au cygne? Il avait dû mal à le croire, mais il la connaissait fort peu. Dans un soupir, il se dit qu'il devrait attendre pour savoir. Ceci dit, cela pouvait expliquer les étranges ordres de la Rose. Si l'arbre était infecté, les consignes données pouvaient ne pas provenir du coeur mais bien avoir été détournées. Peut-être d'ailleurs, n'avait-elle rien dit quand il fut mis aux arrêts forcés , pour ne pas dévoiler sa couverture. Et lui qui avait pensé qu'elle faisait cela pour le punir!

Son soulagement fut de courte durée, car après tout, il ne se basait que sur des conjectures. Peut-être avait-il été puni au mauvais moment, conjointement à cet assaut qui se préparait dans l'ombre. Quoiqu'il en soit, il devait s'en remettre à Miya et à ses alliés. Il pria les Valar de prendre soin d'elle car il ne souhaitait pas qu'il lui arrive malheur. Qu'on prenne sa vie de chevalier paladin plutôt!

Puis, après sa lecture, il rechercha et retrouva quoique difficilement la légumière. Il lui acheta une botte de carottes en lui disant ceci:

"Ils sont effectivement très bons vos légumes, quoique une ou deux carottes soient quelque peu datées. J'ai craint un instant pour votre culture, mais je me fie à votre sagesse: après tout, vous cultivez les légumes depuis plus longtemps que moi! Aussi continuerai-je à les acheter auprès de vous, avant de me lancer dans mon propre jardin. Mais si vous cherchez un apprenti, n'ayant rien d'autre à faire en ce moment, je serai ravi de vous assister."

Puis, il salua la paysanne, en espérant que son message serait compris.

[Elsie]

Le message fut bien reçu. Eïlenel en soupira, soulagée.

[Elsie]

Un message parvint à Estelglin...

Silmirë est à Minas tirith. Elle va bien. Elle donne un coup de main. Il semble que vous ayez tout lieu d'être fier de votre petite soeur. Miya me signale que le fameux Osilth peut recourir à des abominations contre nature d'un autre temps, comme des morts, et, pire encore si celà est possible : des orcs.

Cordialement,

Eïlenel