Tricot, thé à la menthe et manigances....

[Elsie]

Les trois petites vieilles s’affairaient à leurs tricots et les aubergistes ne s’occupaient que fort peu d’elles. Qui écoute les conversations de vieillardes dodelinant de la tête ?

Cela dit, les tricoteuses gardaient leurs sens aux aguets. Car un esprit affûté eut pu se demander pourquoi une sage femme de Minas Tirith, une herboriste haradan de Pélargir et une commerçante de Linhir se réunissaient, pourvues de tricots, de thé et de petits gâteaux, dans une auberge de l’Ouestfolde ?

Que l’une fut presque aveugle et une autre oublieuse ne rendait donc pas moins la vigilance du groupe réelle. Et c’est à voix basse qu’elles devisaient.

Heureusement qu’aucune n’était sourde.

«  Tu as été trop vite, Eïlenel. Elle est sans doute très bien cette petite, mais qu’avais tu besoin d’autant te précipiter ?
- Tu trouves que nous avons encore la vie devant nous ? » rétorqua la vieille Dúnadan.
«  Rhô ! Tu exagères, quand même. Nous sommes encore toutes trois « bon pied bon œil ».
- Bon œil, parle pour toi ! La mort est devant moi. Je la sens venir.
- Ca fait un an que tu dis ça… tu es toujours sur tes deux jambes. »

Yoshebeth s’appliquait mais elle était incontestablement la plus mauvaise tricoteuse des trois. Son écharpe ressemblait à un napperon. A moins que ce soit un napperon qui ressemblait à une écharpe. Elle écoutait la polémique avec son air de souris des sables.

« Maaaalech* ! »  Fit-elle enfin. « Ce qui est fait est fait. C’est pourtant vrai que nous ne sommes plus des jeunesses. Il va bien falloir remplacer les morts. Les miens ont la vie courte. Je serai aussi du passé avant quelques années. Et les nuages qui s’amoncèlent, je les ai senti aussi. Ceux du désert s’agitent. Du moins c’est ce que me disent ceux que je croise. On n’y regarde pas souvent de ce coté ci et c’est un tort. Passe-moi le thé ma sœur».

Puis elle retourna à son tricot informe en sirotant son thé à la menthe. Yoshebeth était la seule au Gondor qui sache le préparer correctement.

La troisième petite vieille fit la moue.

«  Je me range donc à vos avis.
- Parfait, fit la Dúnadan. Ce conseil va pouvoir s’occuper des choses sérieuses…  Yoshebeth, tu vas donc rester ici quelques temps. Je vais demander à Miya de te recommander aux autorités pour que nul ne te fasse de misères.
- C’est un bien beau pays ici ! Qu’est ce que c’est vert ! Il doit pleuvoir souvent ! » chuinta la haradan sur le ton joyeux qui lui était coutumier…

«  Pour ma part, reprit Eïlenel, je vais donc monter dans le nord. Je vais en profiter pour former un peu plus Miya et notre nouvelle sœur. Je verrai aussi si je puis y trouver des appuis pour notre ordre.

Cerinil, tu resteras à Minas Tirith ou tu veilleras à ce que les travaux du magasin de ma mère continuent. Quand je ne serai plus là, tout ce qu’il contient ira tout à l’Ordre.

Cerinil acquiesca.

« Bien, maintenant, Mesdames. Nous allons devoir parler de cet Adunarû…. »
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Arabe égyptien : Ca ne fait rien, tant pis, c’est pas grave

[Pierrot]

On avait vu Adunaru et Elhylde sortir d'Edoras et se diriger vers le Sud, de nuit. Cependant, on ne les avait meme pas vus franchir le premier gue, ni retrouves...

[Maeve]

Dans la chic auberge de Taidoroth, une jeune femme griffonne, allongée sur son lit.

Elhylde repense à la conversation qu'elle a eue avec Miya, juste avec son départ précipité pour cette île extraordinaire. La jeune femme lui a bien dit qu'elle ne devait parler de tout cela à personne et particulièrement pas à Adûnaru... Quel était cet étrange cercle où l'on voulait inclure la jeune femme. Miya l'avait prévenue des souffrances qu'elle aurait à endurer si elle acceptait d'être initiée par cette femme - Comment s'appelait-elle déjà? - Yoshebeth.

Depuis qu'Elhye avait rencontré Adûnaru, elle commençait à se faire à ces bassins de mystères qui enveloppaient les gens qu'elle rencontrait. L'émerveillement des premiers instants remplaçaient maintenant une soif de connaître la vérité... Sa curiosité était piquée au plus au point par cette organisation et Elhye regrettait un peu de n'avoir pu parler à la vieille femme avant de partir. Sans doute Eïlenel avait entrevu quelque chose en la jeune femme lorsqu'ils avaient eu cette discussion philosophique avec Adûnaru sur la terrasse de la taverne. Elhye se demandait ce que la vieille femme avait remarqué en elle pour lui faire aussi rapidement une proposition aussi sérieuse.

Décidément, Elhylde devrait avoir une discussion avec la vieille femme à son retour. Quand elle reviendrait... D'ici-là, elle devait éviter d'en parler à Adûnaru et pourtant elle avait du mal à lui cacher quoi que ce soit. Il avait une telle emprise sur elle... Il l'envoûtait et la faisait rêver et Elhye avait la constante impression de vivre un rêve, d'être désincarnée de son propre corps et de voir agir une autre jeune femme. Qui était cette poupée rousse qui enlaçait fougueusement son amant? Qui était cette jeune femme qui ne semblait plus redouter le danger du moment que son bien-aimé veillait à ses côtés?

Elhye délaissa son carnet et se tortilla jusqu'au bord du lit. Elle posa ses pieds sur le plancher et glissa pieds nus jusqu'à la coiffeuse. Elle s'assit devant le miroir et fixa son reflet un long moment dans le miroir, cherchant dans le gris aqueux de ses yeux la réponse à toutes ce voies qui s'offraient à elle. Mais les eaux demeuraient silencieuses et Elhylde ne trouva dans le miroir de son âme aucune solution à ses doutes.

[Elsie]

« Non mais Yoshebeth qu’est ce que tu fais ?!
-   Tu me demandes de tricoter, je tricote. Mais il ne faut pas t’attendre à ce que je fasse un chef-d’œuvre. »

Eïlenel poussa un soupir agacé.
« Fais quand même des efforts. Il s’agit d’avoir une couverture crédible…
- Hihihi ! « Couverture »… « Tricot » »

Il y eut un silence gêné.

«  Ou en est on ?
-   Les missives venaient de Pélargir. Mais ça ne veut pas dire qu’ils y sont.
-   Ca, c’est clair qu’on ne peut pas dire. C’est un port, mais en même temps ya la route d’Umbar. Il peut avoir été n’ importe où, du coup. Tu peux nous resservir du thé s’il te plait ?
-   C’est fait exprès pour brouiller les pistes… Attention tu oublies une maille !
-   Pardon… Bah, ça ne se voit presque pas…
-   Tu crois qu’il est carrément resté au Gondor ?
-   C’est une possibilité, mais ça m’étonnerait. »

Le thé, fumant et doré, interrompit un instant le très sérieux babillage des petites vieilles.

-   «  La petite file un mauvais coton fit soudain Yoshebeth. Je l’ai vu avec le messager. Il lui plait. Elle minaude. Et elle fait plus.
-    Hmmm… Elle a besoin d’informations, mais tu as raison, le moyen est tendancieux. Je lui parlerai.
- Ya ça. Mais ya autre chose. Elle ne va pas bien ta petite, Eïlenel. Faudrait qu’on l’aide… »

[Elsie]

Il y avait toujours, après son bain du soir, un moment privilégié de tranquillité absolue.  La jeune fille se préparait pour la nuit  tandis que sa vieille parente cousait. ET pendant ce temps là, elles devisaient de choses sérieuses ou pas.

« Yoshebeth me dit que tout se passe bien. Elle fait ce qu’elle a à faire. Il ya toujous pas maol de passage en Rohan mais il semble que ce soit un peu plus calme. J’ignore ce que le marin a prévu pour ce dont tu me parlais… »

Elle s’interrompit un bref instant et nota  l’intérêt un peu las que Miya prêtait à ce qui concernait Adunarû. La petite écuyère se bâtissait une muraille intérieure. La vieille femme continua son discours.

« J’irai à Bree demain. Je verrai si je peux voir cette Firiel. Moi aussi elle m’intrigue fort.
- Méfies toi alors, car elle est redoutable.
- Je ne songe pas à la provoquer en duel, ni partir seule à l’écart en campagne en sa compagnie. Rassure-toi… »

La vieille femme coupa le fil avec ses dents. De bonnes dents. Elle n’en avait que fort peu perdues. Elle observa encore un peu la jeune fille.  Elle sentait les tensions qui l’habitaient. Miya était en proie à des doutes et des cas de conscience qui n’étaient pas petits. Au moins la chevalerie n’avait pas annihilé sa capacité à remettre parfois  ses actes en question.

« Je sais que tu sais d’où il vient.
- On en a déjà parlé.
- Miya, soyons claires. Ton serment n’était en rien inique. Tu as accepté de garder le secret d’un homme qui a contribué à sauver le Gondor d’une terrible menace. Personne ne peut te reprocher d’avoir accepté ça, si important que ce secret soit. Savoir tenir parole même quand celase retourne apparemment contre soi est tout à fait de l’ordre du « chevaleresque ». Alors je ne vais pas te demander de passer outre ce serment.
- Alors de quoi parle-t-on ?
- On parle de ce que j’ai deviné.
- Pardon ?
- Il ya de cela bien avant ma naissance, ma mère avait participé à une expédition, en Anfalas.  Ils y trouvèrent un homme, agonisant,  au milieu des débris d’un naufrage, qui appartenait, manifestement à une culture Numénoréenne. Du  peu de mot qu’il a prononcé avant de trépasser, ainsi que des restes de son navires et de ses effets, on a pu déduire cette culture connaissait les Valar et les honorait toujours.  On en a conclu aussi qu’il devait  venir d’une lointaine colonie de la Grande Ile, bien au-delà des terres que nous connaissons, au sud. C’était la seule option logique. Mais nous n’avons jamais eu le loisir de vraiment nous en occuper et cette affaire en est restée là…
- Et alors ?
- Ne m’interrompt pas. Lors de la victoire finale, il fut remarqué par certains que le port d’Umbar comportait moins de navires qu’il n’aurait du. Certains arguèrent que la plupart avaient été coulés par l’armée des morts. Mais en vérité il est inimaginable que, même croyant à tout crin à leur victoire, ils n’eussent laissé AUCUN navire en arrière pour  vaquer aux affaires courantes  et protéger la cité d’éventuels pirates. La seule véritable explication est qu’un certain nombre d’habitants ont fui une fois la nouvelle de la défaite arrivée. Pour ou ? Pas pour le nord, forcément.
- Tu sous entends qu’ils seraient partis pour la fameuse colonie…  Mais encore fallait il qu’ils soient au courant.
- Ils l’étaient. J’ai attentivement relu tous les dossiers de l’époque. Parmi ceux qui firent partie de l’expédition, il y avait un homme dont on saurait plus tard qu’il servait l’autre camp.  Il me parait peu probable qu’il n’ait pas informé les corsaires d’Umbar de l’existence de cette colonie. »

La jeune fille soupira.

«  Ca ne prouve rien concernant Adunarû.
-Allons.  Je sais que son origine pose problème car tu as tiqué la première fois que nous en avons parlée. Toi-même a admis avoir prêté un serment. Il n’est pas d’un village au sud d’Umbar. Il n’a pas la culture d’un campagnard. Il a des allures d’aristocrate impossible à cacher. Et si un jeune homme issu d’une des rares familles nobles restantes de la région avait décidé de se faire marin, j’en aurais entendu parler… Il vient donc d’ailleurs.

Le silence se fit, lourd.

« Ton silence est éloquent, Petite.
- Que ferais tu à ma place ? Je ne peux rien dire…
- Mais tu réalises que cette information est trop énorme pour être gardée secrète.
- Oui.
- Je vais voir ce que je peux faire…"

[Pierrot]

Visiblement, cette discussion à Pelargir sur ses origines n'avait pas été une bonne idée. Il en avait pris conscience lorsque la tournure de sa relation avec Miya était devenue inamicale... Par chance il n'avait, tout compte fait, pas dit grand chose. De plus, rien ne s'opposait au fait de la contredire si elle venait à devenir trop bavarde, ni même à prouver ses dires fallacieux. Ca ne serait pas la première fois qu'il organiserait un évènement afin de mettre sa crédibilité en avant, mais ça remontait désormais à loin. Trop loin, dans le temps et dans l'espace, pour que ce soit su.

Ce qu'il ne savait pas, c'était que le navire qui était parti il y avait de cela bien longtemps sans être revenu s'était précisément retrouvé en Terre du Milieu, et que cela était à la connaissance de Miya et de ses amis.

Les allées et venues de quelques messagers de confiance entre lui et ses amis plus ou moins lointains continuaient et s'intensifiaient. Les préparatifs à Umbar, les recherches demandées à Jarek allaient bon train, et son plan était prêt au cas où la situation se retournerait contre lui. S'il avait été imprudent, il le reconnaissait, et était prêt à rattraper ce malheureux moment de faiblesse... Coûte que coûte.

[Elsie]

Restait à inventer un bobard.

A une écuyère, le mensonge répugne naturellement. Seulement là, il n’y avait pas à tergiverser : Il fallait  expliquer son retour. Impossible de prétendre qu’on n’avait pas voulu d’elle au nord avec le sergent Anson comme compagnon de voyage. Impossible aussi de parler de sa mission à tort et à travers. Elle était tout à fait capable de construire une histoire cohérente.

Une remarque que le sergent avait faite lui fournit l’inspiration nécessaire… Elle s’arrêta d’y penser un brin quand une empreinte que même un débutant aurait repérée se révéla entre les hautes herbes. Plusieurs autres la suivaient. Aussitôt, l’instinct de la chasseresse opéra et elle repéra bientôt l’animal.

Probablement le plus beau qu’elle ait vu à ce jour, le mâle noir du Rohan excepté.  Une robe superbe, bai brun avec juste une petite  chausse blanche sur un des sabots. Elle en resta un instant ébahie.  Une jeune femelle. Trois ou quatre ans, pas plus. Un peu nerveuse, mais prometteuse et qui ne semblait pas ferrée. Son comportement était celui d’un spécimen sauvage.

Elle veillerait à affiner son histoire plus tard…

[Elsie]

Quelques temps plus tard, la jeune fille arrivait au Rohan. Il avait été jugé plus sûr de passer par les différentes villes que d'aller directement en Anfalas. Il fallait habituer les gens à son retour afin qu'elle puisse, par la suite, enquêter sans trop éveiller de soupçons...

[Elsie]

Une expédition en Anfalas, ça se prépare. Car on ignore au juste ce qu’on va y trouver… La jeune fille n’était donc pas pressée. De toute façon, qui aurait envie de retrouver les lieux d’événements aussi sombres. Retourner là bas, c’était aussi revenir près de trois ans en arrière, quand elle l’avait perdu. Ne l’avait elle sauvé que pour qu’il aille se perdre quelque part, au nord, loin d’elle ? Qu’avait-il donc écrit dans cette lettre transmise à sa hiérarchie ?  Croyait il vraiment revenir ou avait il sciemment menti. De cruelles questions se succédaient dans son esprit.

Si encore elle avait trouvé, auprès des siens, un réconfort. Mais Eïlenel, Esmée et Yoshebeth étaient âgées et lui donnaient donc d’autres motifs d’inquiétudes ... Silmirë était très occupée par son apprentissage de la menuiserie et était aussi blessée qu’elle par le départ de son frère. Rilmë vivait dans le nord. Quand à Adunarû…

Parlons-en d’Adunarû ! Quelle mouche l’avait piquée de se rapprocher autant de lui ? Elle avait pourtant parfaitement conscience d’à quel point cette relation complexe qui l’enchevêtrait était ambigüe et donc dangereuse. Et pourtant elle avait baissé sa garde à un point qui la faisait rougir. Miya avait beau être sauvage, elle n’était pas naïve. Elle savait que certaines privautés  n’étaient pas innocentes, même entre amis. Même si, factuellement, il ne s’était rien passé.  C’était d’ailleurs l’éternel problème avec lui : elle n’avait  rien à lui reprocher tout en sentant la manœuvre…
Ses instincts de lionne l’avertissaient, comme ils l’avaient toujours fait : « Garde-toi de celui là ! Ne te mets pas ainsi en position de faiblesse…

Elle s’en était ouverte à Yoshebeth après son départ.

«  L’affection  n’est jamais mauvaise. Tant que tu sais placer une limite claire.
- Ca ne l’est pas.
- Alors prend de la distance… Ni toi ni lui ne pouvez vous permettre ce jeu là. N’oublie pas que sa fiancée aspire à devenir une des notres. Elle pourrait en prendre ombrage et elle aurait raison.
- C’est ce que je pensais faire… Prendre mes distances. »

Certaines fuite sont sagesse et non lâcheté.

[Elsie]

Arrivée au terme du voyage, la jeune fille hésitait.  La caverne n'était plus loin, elle le savait. Mais voilà, en revenant sur les lieux, les souvenirs affluaient. Et avec eux des émotions qu'elles croyaient enfuies...

La peur, la honte, la douleur...

La colère...

La haine.

Mais cette fois personne à sauver. Aucune nécessité absolue pour tenir ce flot de sentiments à distance...

[Elsie]

Les hautes herbes frémissaient et bruissaient de ces chuchotements qui précèdent les orages. La lourdeur de l’air se teintait d’une brusque chute de la température et la jeune femme eut soudainement besoin de se couvrir un peu plus.

La peste soit des trolls qui l’avaient retardée dans sa quête ! Elle ne se souvenait pas qu’ils aient eu leurs habitudes si près de l’ancien repaire d’Osilth. Cela lui eut posé quelques soucis pour les allées et venues de ses gens. Ou peut être était ce justement parce que le sorcier n’y était plus que ces maudites créatures osaient s’aventurer jusqu’ici.

Elle regarda le ciel qui s’assombrissait rapidement. Elle se hâta de bander son bras,  tout en grimaçant de douleur. Ca lui avait coûté un cheval, cette histoire. Et elle n’aimait pas. Mais alors pas du tout.  Outre a perte sentimentale, le fait de se retrouver dans la péninsule d’Andrast sans monture n’était pas à proprement parler très confortable. Il  lui faudrait au moins trois semaines, dans ces conditions, et en marchant d’un bon pas, pour rallier des terres plus sûres…

A condition qu’aucune mauvaise rencontre ne survienne entre temps, bien sûr…

Elle se releva tandis que le vent forcissait. Il commençait même à chanter doucement sa ballade de mauvais augure. La grotte n'était plus loin, mais encore trop. Elle n’échapperait pas à la pluie. Elle entama donc le chemin au petit trot, en tâchant d’ignorer les élancements de son bras, et aussi ceux de ses cotes…

Le déluge alors s’abattit avec une violence telle qu’on devait s’en souvenir longtemps. Nul alors ne songerait, depuis sont intérieur confortable, aux bienfaits que toute cette eau venant du ciel apportait à la nature environnante. La plupart constateraient surtout les dégâts et les désagréments causés. Quand à Miya, qui était dessous, elle savait qu’être blessée sous un orage est très dangereux. Elle se hâtait donc, grelottante…

[Elsie]

Pendant que la jeune fille lutait contre les éléments, une dépêche arriva, directement de Pélargir, entre les mains de la très honorable et très très VIEILLE Eïlenel qui se trouvait, elle, à Bree.

Les yeux de l’ancêtre étant ce qu’ils étaient devenus, elle passa la missive à son fils, lequel lui fit la lecture, non sans s’interrompre par instant pour bien peser la gravité de ce qui était écrit. Cela concernait cette petite nièce qu’il ne connaissait que fort peu (elle l’avait salué lors de son récent voyage à la capitale).

Ca concernait la famille, en somme. Il releva son nez vers le visage parcheminé de sa mère qui écoutait, impassible.

«  Je m’en doutais un peu. »  fit elle. « J’ai eu tort de partir.  Il va me falloir y retourner.
-  Ce n’est pas raisonnable, Mère… tu vas te tuer !
-  Mais non !  Je mourrai quand je n’aurai plus rien d’autre à faire, rassure toi…
-  Alors je t’escorterai et reviendrai ici une fois que tu seras parvenue là bas sans encombres. »

La voix de l’homme ne souffrait aucune réplique. Mais Eïlenel n’avait rien à y redire : la décision de son fils l’arrangeait.